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2èmes rencontres d’Après chemin…. à l’abbaye de Ligugé (mars 2018)

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Lu sur le site Lacroix en mars 2018

Comment vivre l’après-chemin de pèlerinage

 

Par Arnaud Bevilacqua , le 04/03/2018 à 16h20

 

Un collectif a organisé un week-end, du 2 au 4 mars, intitulé « Après le Chemin, vivre autrement ? », à l’abbaye de Ligugé près de Poitiers, à destination des randonneurs ou pèlerins.

 

ZOOM 

 

Chemins d’Assise, de Rome, du Mont-Saint-Michel, du Tro Breiz ou bien sûr de Saint-Jacques-de-Compostelle, les randonneurs et les pèlerins plébiscitent chaque année ces chemins de pèlerinage. Croyants ou non, ils expérimentent une forme de dépouillement. C’est pour réfléchir sur la manière de se servir de cette expérience qu’un collectif formé d’un pasteur, Thomas Constantini, d’un prêtre, le père Jérôme de la Roulière et d’un laïc, Jean-Jacques Pagerie, ont créé un week-end de rencontres.

 

Les évêques demandent une « hospitalité chrétienne » sur le chemin de Compostelle

 

« Après le Chemin, vivre autrement ? »

 

Après une première édition à Poitiers, l’an passé, la seconde s’est tenue, du 2 au 4 mars, à l’abbaye Saint-Martin de Ligugé (Vienne), en présence de Mgr François Favreau, évêque émérite de Nanterre. « Ce week-end s’inscrit dans un contexte de mise en place progressive d’une pastorale à destination des randonneurs, parfois loin de l’Église, et des pèlerins qui ont marché sur les différents chemins », assure Jean-Jacques Pagerie. Cette proposition, avec des marches, temps de silence, des conférences ou encore des soirées sur le sens de la vie, qui a rassemblé plus de 30 participants, contre une grosse dizaine l’année dernière, espère attirer une centaine de personnes en 2019.

 

En 2015, les évêques français et espagnols du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle avaient publié ensemble, une première lettre pastorale qui visait à redonner le sens spirituel du Camino. Ils constataient que sur cette route empruntée par des milliers de pèlerins, pour 70 % non croyants ni pratiquants, « beaucoup d’entre eux sont secrètement à la recherche de quelque chose qui les rende meilleurs et les enrichisse, de quelque chose qui les unisse ».

 

« Le Chemin continue jour après jour dans notre vie quotidienne »

 

L’enjeu est également de bien vivre l’après chemin de pèlerinage. C’est ce qui a conduit Guillaume Dequet, 26 ans, qui a arpenté les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle l’an dernier, a participé au week-end. « Il est essentiel de se nourrir de l’expérience des autres pèlerins, confie-t-il. Je suis rentré en me demandant comment donner du sens à ma vie. J’ai la conviction que le Chemin continue jour après jour dans notre vie quotidienne. »

 

Les nouveaux chemins de pèlerinage

 

La problématique de l’après-chemin, Gaële de la Brosse, écrivaine et journaliste au magazine Pèlerin, la connaît bien pour avoir sillonné de nombreuses routes. Lors du week-end, elle a animé une table ronde sur le thème « Comment intégrer les valeurs du chemin au quotidien ? ». « Souvent, en rentrant, on connaît une période de blues, explique-t-elle. Il faut parvenir à intégrer ce qu’on a vécu pour l’appliquer au pèlerinage de la vie. Sur le chemin, on marche vers un but et par conséquent ce qui nous arrive a un sens, même les difficultés que l’on doit traverser. Or, on peut vivre la vie de la même manière. »

 

Pour bien vivre l’après, une question qui taraude toujours randonneurs et pèlerins, plusieurs pistes existent pour poursuivre son expérience comme de devenir soi-même hospitalier, faire une retraite ou s’engager, pour ceux qui sont intéressés pour découvrir ou redécouvrir la foi chrétienne, dans un parcours Alpha.

Un week-end dédié à la mémoire de Sébastien IHIDOY

« Je me demande si la société actuelle n’a pas besoin de ces types qui passent, pèlerins et chemineaux. Pour moi, pas de différence, je ne raisonne pas en termes de jugement. Un pèlerin recommandé par ses instances, son carnet, son évêque, et même le serait-il par le pape que cela ne changerait rien, je le considère et considérerai toujours dans et pour son cheminement. Sans être sûr d’ailleurs qu’il soit meilleur pèlerin qu’un autre. Mais ai-je besoin de certitudes ? Bien sûr que non, ou alors je juge. Et comment juger ? Vous pouvez me le dire vous ? Quelqu’un qui n’a ni travail, ni famille, ni projet social, et part en se disant : Je vais chercher une vérité sur ce chemin, celui-là est à mes yeux un vrai pèlerin. Même s’il l’ignore ou nomme les choses autrement. C’est quelqu’un qui a besoin de faire SON chemin. Le fait qu’il soit capable de repartir chaque matin, quel que soit le temps, sac au dos, pour faire ses vingt ou trente kilomètres, sans savoir ce qui l’attend plus loin, où il dormira, si même il mangera, prouve que c’est un homme. Et un homme qui est debout. Profite-t-il des autres ? Pourquoi ne le serait-il pas ? Soyons sérieux, dans une société qui laisse tant de gens démunis, pourquoi lui ne profiterait-il pas chemin et des structures, dîtes-moi ? Et j’ajoute que moi qui homme d’Eglise, je lui dois un accueil qui soit digne de lui. Nous le voyons à chaque page de l’Evangile, §Jésus accueille d’une manière privilégiée celui à qui personne ne fait attention. Agir de la sorte va à contresens d’une certaine logique humaine. Mais il faut accepter d’être à contre-courant de la société, et même parfois de l’Eglise. La liberté du croyant est à ce prix.

« Pour moi, le pèlerin, quel qu’il soit, est toujours un chercheur. Le chercheur d’une vie plus humaine (c’est le dénominateur le plus commun), un chercheur de sens, un chercheur d’étoiles, un chercheur de Dieu (parfois sans le savoir) qui, pour trouver sa part de vérité, prend des risques dans un époque où l’on fait tout pour nous protéger, nous garantir, jusqu’à l’asphyxie. Démarche à contresens, démarche absolue, comment voulez-vous qu’il soit toujours bien compris ? Les pèlerins, je vais vous dire que je les reconnais au premier coup d’œil, dans la rue, dans un groupe, sans sac, bourdon ou insigne, changés, douchés, propres comme des touristes. Je sais que ce ne sont pas des touristes, ni des randonneurs, mais des pèlerins. Je les reconnais, oui. Dans l’église, samedi dernier, il y en avait trois. Je les ai découverts dans la foule, rien qu’aux regards. Les pèlerins ont le regard qui irradie. C’est incontestable. D’autres vous le diront. Non pas le regard brûlé par le soleil ou la fatigue, non, un regard d’ailleurs. Ils irradient. Pourquoi ? Alors là… Sans doute ont-ils en eux une petite étoile. Parce que quelqu’un qui marche comme le pèlerin possède forcément en lui quelques rayons de l’étoile qu’il est en train de chercher. Et c’est cette parcelle d’étoile qui brille dans leurs yeux.

« J’ai reçu beaucoup de pèlerins. Je les ai écoutés. J’ai beaucoup appris, et j’aimerais que mes paroissiens bénéficient de cette richesse. Le passage des pèlerins, c’est comme dans un fleuve les courants profonds. Ceux que l’on ne voit pas, mais qui entraînent la masse du fleuve. Un courant qui annonce, peut-être, du moins je l’espère, une modification profonde de la société de demain. Pour moi, le renouveau de ce pèlerinage est un signe prometteur avec lequel l’Eglise aurait intérêt à se trouver plus en phase. Elle gagnerait à ouvrir ses portes et son cœur, à considérer les pèlerins comme des pionniers. Puisque comme le dit Jean-Paul II, « la route fondamentale de l’Eglise, c’est l’Homme », pour l’Eglise délaisserait-elle ce chemin historique qui a façonné notre culture et qui trace aujourd’hui – pourquoi pas -la société de demain ? »

Père Sébastien IHIDOY, Navarrenx

Extraits de Jendia Jendie Tout homme est homme sur le chemin de Compostelle
de Laurence LACOUR  éditons BAYARD
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Père Ihidoy : « Je voudrais que l’Église s’ouvre davantage aux pèlerins de Compostelle »

Dans son presbytère de Navarrenx

Sébastien

(Pyrénées-Atlantiques), le Père Sébastien Ihidoy a accueilli, pendant plus de vingt ans, les pèlerins de Compostelle. Son expérience d’hospitalier a bouleversé sa vie d’homme et de prêtre.

Pèlerin : Comment expliquez-vous le succès des chemins aujourd’hui ?
Père Ihidoy : Cela traduit les besoins de la société actuelle. Les gens sont pris dans un rythme effréné. Avec son lot de pressions économiques, de chômage, de cynisme, notre société bafoue notre humanité. La pression de la vie en entreprise, l’éducation des enfants, les devoirs scolaires, les tâches ménagères, les courses au supermarché…

Beaucoup de femmes notamment, m’ont confié qu’elles n’en pouvaient plus de vivre ainsi. Tout doit aller encore plus vite. Et plus on gagne du temps, plus le temps nous manque. Nos contemporains n’ont plus le temps d’écouter leur voix intérieure d’homme ou de femme. Parfois, lassés de passer à côté de leur vie ou à l’aube de faire une bêtise, parce qu’ils n’en peuvent plus, alors ils partent : le chemin de Saint-Jacques est leur planche de salut.

Vous vous êtes retrouvé par hasard sur le chemin.
J’ai été nommé curé de Navarrenx en 1981, sans savoir que cela se situait sur le chemin. Un, deux, trois pèlerins ont frappé à ma porte. J’ai accueilli tout le monde : des jeunes illuminés par la foi comme d’autres en souffrance, prisonniers de la drogue, vagabonds. L’accueil des pèlerins n’est pas seulement un devoir, mais essentiellement un privilège.

J’avais un grand presbytère, et une place pour chacun. Tous dormaient au presbytère, j’allais à ma chambre en enjambant les personnes allongées. Je n’écoutais pas ceux qui me disaient de les envoyer ailleurs. Nous avions trois frigos remplis régulièrement par les paroissiens…

Comment est l’accueil chrétien sur le chemin ?
Je voudrais que mon Église s’ouvre vers les pèlerins, et prenne la mesure de ce qui se joue ici. Que les paroisses, prêtres et chrétiens retrouvent l’accueil gratuit et sans jugement. Malgré de très belles initiatives, comme celle de Mgr Brincard, au Puy-en-Velay, l’Église reste en retrait, prisonnière de ses schémas. Elle s’ouvre à son monde et n’arrive pas assez à s’ouvrir au monde tel qu’il est. Il n’y a pas de bons et de mauvais pèlerins.

Il y a des hommes et des femmes en marche dans leur corps et dans leur tête, pour des raisons totalement différentes, mais qui partagent une quête, une recherche : celle d’une « autre chose », d’une nouvelle voie, d’une lumière. Pour beaucoup, il y a un désir de retrouver la paix intérieure. Nombreux sont les pèlerins qui, après celui-ci, partent le cœur plus léger, débarrassé des lourdeurs des remords ou de la culpabilité.

Beaucoup de pèlerins parlent d’une présence sur le chemin.
Je n’ai jamais aussi bien entendu parler de la Providence que par les pèlerins de Compostelle, même par les agnostiques. Chacun a une ou plusieurs histoires à raconter où, perdu, désespéré, à bout de force, il/elle a rencontré son « sauveur » : un guide, une aide pour la nuit, une parole réconfortante. Cette « présence » sur le chemin est bien réelle. Athées comme croyants expliquent être « portés » par une « force ».

Chacun la nomme comme il veut. Il est d’ailleurs surprenant que les chrétiens eux-mêmes aient du mal à dire le nom de Dieu… Comme si dans la société d’aujourd’hui, il était mal venu de dire que l’on avait ressenti sa Présence. Or c’est une évidence : Christ est là !

Le pèlerinage, c’est un début ou c’est une fin ?
Nous sommes tous faits pour le couchant… Le chemin de Saint-Jacques est le chemin de la vie. Là, les gens se posent les questions les plus radicales, les plus profondes. C’est une expérience qui change profondément. Le pèlerin ne va pas recommencer sa vie comme avant, il va prendre un autre chemin.

Vous-même avez dû prendre un autre chemin. En 2001, votre évêque vous demande de quitter Navarrenx…
J’y suis resté vingt ans, personne ne m’avait rien dit, je pensais que j’allais finir mes jours dans cette paroisse. J’avais fait ma tombe là-bas. Cela m’a coûté de partir. Mais toute expérience est bonne, même si, au début, cela est douloureux. Je suis avant tout au service de mes paroissiens. Ce sont eux qui m’ont appris à devenir prêtre.

Édité par :Gilles Donada
Publié dans Pèlerin n°6714 

■ 1932 : Né à Esterençuby (Pyrénées-Atlantiques).
■ 1961 : Ordonné prêtre. Curé à Lembeye.
■ 1981 : Curé à Navarrenx.
■ 2001 : Curé à Mauléon, puis prêtre auxiliaire à Cambo-les-Bains.

■ 2016 : Décédé le 5 février à Cambo-les-Bains

 

■ 2009 le Père Sébastien est venu jusqu’à Aulnay pour participer à l’inauguration de l’association ayant donné naissance au collectif des hôtes de la Via Turonensis vers Compostelle :

Rencontres internationales sur la voie de Tours
entre saint Sauvant et Aulnay

Pendant tout un week-end du 20 au 23 février, une cinqRepos du pèlerinuantaine de marcheurs a suivi l’itinéraire de Saint Jacques de Compostelle. Le froid n’a découragé personne. Mgr Rouet a inauguré la marche à saint Sauvant. Après une nuit à Melle et une autre à Brioux, les marcheurs sont arrivés à Aulnay. L’ancien curé de Navarrenx le Père Sébastien Ihidoy a insisté sur le sens de l’accueil  » On reçoit toujours plus que l’on donne. Il y a les gens convaincus qui veulent rendre grâce, les gens agnostiques qui cherchent et cherchent bien. Certains ont fait un vœu ou une promesse et d’autres qui n’entendent pas leur vie intérieure. » Ce témoignage s’est ajouté  à celui de M et Mme Mulon qui habitent Surgères  et s’occupent de la voie du mont saint Michel. » Nous cherchons à animer un accueil chrétien tout au long du chemin. Mgr Pontier nous a envoyé dans ce sens. En Septembre, nous allons reprendre une maison à saint Jean Pied de Port. »

 

 

L’accueil est revenu comme une priorité sur ce chemin plus chaleureux car moins fréquenté que celui du Puy. Une Québécoise, la quarantaine rayonnante, a insisté sur ces gens merveilleux qui lui ont fait oublié l’individualisme d’Amérique du nord. » Je me suis ramassé dans un gîte près d’Aulnay avec 6 lits confortaPèlerinsbles. Mais personne sinon ma pomme car j’étais partie tard, en novembre. Ici, sur ce chemin, je me sens chez moi. » Jean Jacques Pagerie, très heureux de la réussite de son initiative se réjouit du souci de tous de l’accueil. Un carnet est en cours de réalisation sur le modèle de celui du Puy pour obtenir l’adresse de toutes les congrégations et accueils chrétiens sur le chemin. Le pèlerin connaîtrait alors aussi les horaires des messes, les heures de confessions, les tampons pour la crédential. La rencontre s’est achevée autour de l’eucharistie dans la belle église d’Aulnay.  » Bonne route »

Jérôme de la Roulière

 

 

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